Ce que le féminisme fait à la santé mentale, avec Charlotte Bienaimé
Où j'ai injecté de la joie, de l'optimiste et des bonnes raisons de lutter en cette semaine de 8 mars, inspirée par la brillante invitée de Folie Douce cette semaine.
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Nous sommes en pleine semaine de mobilisation féministe (samedi on va manifester ! Toutes les infos sont ici) et je suis fière de partager avec vous un nouvel épisode de Folie Douce avec Charlotte Bienaimé, éblouissante consœur podcasteuse, que j’ai toujours considérée comme “la meilleure d’entre nous”.
Nous avons échangé il y a quelques semaines à Brest, au festival Longueur d’Ondes. Ce qui m’a frappée, c’est qu’au-delà de la richesse de notre échange, il y avait de la joie. Vous verrez c’est cette émotion - plus que la colère, pourtant si présente dans nos combats - qui ressort pour elle de sa décennie de féminisme.
S’il y avait de la joie dans cette rencontre, c’est aussi que la veille, nous étions elle et moi sur scène, avec Victoire Tuaillon interviewées au micro de Marie Barbier de la revue La Déferlante, devant plus de 1 000 personnes. Et à la fin, on a vu toute la salle se lever pour applaudir, longtemps, nos prises de position (vous pouvez l’écouter ici).
Je me suis souvenue que dans un monde où nos idées sont attaquées, s’exprimer, se rassembler, ça n’est pas qu’un acte de résistance : c’est une source d’énergie. Qui est restée en moi depuis.
Étrangement, ces derniers temps, je me sens optimiste. Il y a peut-être une sorte de réflexe archaïque qui fait que face au danger, l’adrénaline monte, telle une préparation physique et psychique à l’action, un instinct de survie qui fait avancer au lieu de sombrer.
Mais je sais autre chose : mon éducation féministe m’a donné les outils.
Ces mouvements terrifiants auxquels nous assistons en ce moment, je les comprends parfaitement, car c’est contre ces forces que les féministes se battent et se sont toujours battues. Il suffit d’avoir lu Backlash de Susan Faludi, par exemple (je sais, je cite ce texte sans discontinuer depuis 8 ans, mais croyez-moi, tout est là). Les attaques contre les personnes LGBTQIA, le retour en force des "traditional wives", la résurgence des discours réactionnaires, le renvoi des femmes à leurs émotions, à leur cuisine, à leur mascara : tout ça n’est pas nouveau.
C’est le signe, comme à chaque fois, que nos idées progressent. Et je vous rappelle une chose importante : le backlash, c’est nous. Et nous allons continuer. Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas le signe que nous reculons, c’est le contraire. Cela signifie que nos idées ont progressées, fort.
Bien sûr, je sais que tout n’est pas un simple remake du passé. On traverse des temps sans précédent. L’ampleur des crises actuelle est inédite. Les inégalités explosent, la planète brûle, les équilibres mondiaux basculent. Et l’intelligence artificielle donne des allures dystopiques au tableau. Je le sais.
Mais là encore, la pensée féministe m’aide à réfléchir. Elle m’a appris une chose essentielle : rien n’est binaire, rien n’est linéaire.
L’histoire est faite de résistances, d’adaptations, de retournements. Les forces d’imagination sont toujours là, prêtes à surgir dans les moments les plus inattendus, et particulièrement dans le chaos.
On commence déjà à voir des réponses face au désastre. Aux États-Unis, les mouvements progressistes se réorganisent. C’est dans les situations les plus désespérées que naissent les idées les plus créatives. J’ai confiance.
Et puis, j’ai une autre certitude. Les périodes sombres de ma vie, les moments où j’ai traversé les deuils et les ruptures les plus difficiles, sont aussi ceux où sont nées les décisions les plus importantes.
C’est toujours après des down absolus que j’ai su renaître, me réinventer, et atteindre des lieux que je n’aurais jamais pu imaginer. Ça ne s’est pas fait en un jour, ça ne s’est pas fait sans douleur, mais ça s’est fait.
Et boum, je retombe sur mes pattes : l’individuel est universel, les émotions sont politiques. C’est exactement ce que j’ai essayé de démontrer dans cet épisode de Folie Douce, à travers ma conversation avec Charlotte Bienaimé.
Ensemble, on a décortiqué ce que la pensée féministe avaient changé en elle : son rapport à elle-même, aux autres, au bonheur. Spoiler : ça a tout changé.
Ah et si, comme moi, vous cherchez à vous rassurer sur le fait que la lutte aux États-Unis ne fait que commencer, voici quelques personnes à lire ici même, sur Substack. Suivez-les, et vous verrez : on est loin d’avoir perdu (c’est en anglais mais de nos jours, tout se traduit très vite si besoin).
Starhawk, pour une vision écoféministe et magique du militantisme,
Caroline Criado-Pérez, qui démonte avec brio les biais sexistes dans la data et la politique,
Sara Ahmed, qui déconstruit l’oppression avec une puissance inégalée,
Michael Moore, qui ne lâche jamais rien et dont la radicalité reste une inspiration constante.
+ Allez bien scroller en bas, je vous recommande une série de documentaires sélectionnés par Ovidie ! Et il y a aussi une revue de presse !
Prenez soin de vous et prenez votre temps,
Lauren
Avant de vous quitter deux dates à noter :
📅 Samedi 8 mars à midi, live sur Substack avec Victoire Tuaillon. Elle est pessimiste, je suis optimiste, et on va en débattre comme deux bonnes amies autour d’un café (virtuel). Je sens que ça va être passionnant, et j’espère vous y voir nombreuses et nombreux !
📅 Samedi 29 mars à Strasbourg, rencontre exceptionnelle avec Adèle Haenel et Laurie Laufer, dans le cadre des Bibliothèques Idéales. Et la thématique ? "Ce que les psys ont fait aux femmes". Oui, ça va être énervé. Plus d’infos à venir.
Description de l’épisode :
Demain, c’est le 8 mars, la fameuse Journée internationale des droits des femmes, et à cette occasion on a voulu sortir cet épisode, vous allez comprendre pourquoi.
En février dernier se tenait à Brest le Festival de la radio et de l’écoute, Longueur d’ondes, et s’y enregistrait en public un épisode de Folie Douce, avec Charlotte Bienaimé. Créatrice d’Un podcast à soi pour ARTE radio, dans lequel depuis maintenant 34 épisodes elle « tresse des voix » en donnant la parole à des anonymes et chercheur·euses pour creuser des thématiques féministes en profondeur, elle se dit gonflée d’énergie par ses retrouvailles avec des amitiés féminines de radio, ici au bord de la mer. Au micro de Lauren Bastide, elle met en valeur la notion d’expertise qu’en tant que féministe elle a développée, en travaillant sur les violences faites aux femmes pour mieux comprendre d’où elles viennent, ce qui constitue une libération. Charlotte Bienaimé évoque les thérapies féministes, mais aussi la puissance des discussions entre femmes, et le post-partum qu’elle a vécu et dont elle souhaite lever le tabou. Elle décrit son travail comme celui « d’avoir les mots jusqu’au bout », et ainsi d’offrir une place dans le discours à des personnes qui n’en ont pas, comme les femmes et les enfants.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
Quelques mots sur notre partenaire :
Tenk, c’est une plateforme de streaming qui propose plein, plein de documentaires, sélectionnés avec soin. J’adore me perdre dans les méandres de leur site.
Et ça tombe bien, Tenk offre jusqu’au 27 juin une carte blanche à Ovidie, que j’ai reçue dans La Poudre d’ailleurs, qu’on adore évidemment, et qui propose trois documentaires passionnants. Ovidie a choisi des films qui renvoient à des thèmes qu’elle explore dans son travail : notre rapport au corps, à l’intime et aux représentations.
Ce cycle rassemble mes deux sujets préférés, le féminisme et la santé mentale. Je vous laisse aller découvrir tout ça sur le site de Tenk - c’est peut-être l’occasion de vous abonner.
La revue de presse de Folie Douce :
Cet article de Manon Garcia dans Libération qui analyse avec une force et une justesse inégalées les retombées du procès Pélicot.
Ce documentaire d’ARTE mi-flippant mi-flippant qui raconte comment l’intelligence artificielle pourrait révolutionner la psychothérapie.
Le Planning familial lance sa newsletter : il faut plus que jamais donner de la force à cette association qui lutte depuis soixante ans pour nos droits reproductifs.
Ce podcast “She fell in love with Chat GPT”, un épisode de The Daily, que je vous recommande d’écouter si vous comprenez l’anglais parce que c’est un bijou. Il raconte comment une femme est tombée amoureuse - avec sexe et tout - de son assistant virtuel (on est pas dans la merde).
Cette vidéo, entretien entre Frédéric Lordon et Sandra Lucbert qui s’emparent du sujet épineux de la psychanalyste : je ne suis pas d’accord avec tout, mais l’échange est vivifiant.
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.
Merci de m’avoir signalé la mobilisation 🫶
Elle parle à juste titre de la non prise en compte dans la recherche des traumatismes dus aux violences sexistes et sexuelles. Ce n'est pas avec les coups de tronçonneuse à la recherche infligés par l'administration Trump II que ça va s'arranger ! Les sujets relatifs aux minorités, au genre, au racisme sont tout bonnement rayés des registres. Et c'est toute la science mondiale qui va en ressentir les secousses. Pour réagir à ces attaques sans précédents, rdv demain 7 mars partout en France : standupforscience.fr #Standupforscience