Soigner les autres et penser ses plaies, avec l'écrivain et médecin Baptiste Beaulieu
Où je vous rappelle que santé mentale et repli sur soi n'ont rien à voir, et je vous présente l'épisode bouleversant de Folie Douce avec le médecin généraliste et écrivain Baptiste Beaulieu.
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Cette semaine, j’ai été assaillie d’un énorme doute.
Vous avez forcément remarqué, sont en train d’émerger de toutes parts des injonctions à prendre soin de sa santé mentale (et j’ai pleinement conscience de participer de ce mouvement, d’où ma terreur).
Je comprends être ciblée par des pubs bien-être sur Instagram, mais je vois aussi des messages de ce type dans le métro. Là, un magazine féminin incite les femmes à l’égoïsme et les invite à se créer “une bulle loin des tracas du monde”. Dans mes messages, des abonné·es m’avouent que leur façon la plus efficace de protéger leur santé mentale, c’est de couper l’actu anxiogène. (Et je ne vais pas les blâmer, je suis moi-même devenue cette personne qui écoute FIP au petit-dej).
On est en train de tout mélanger. Cette invitation à prendre soin de soi est en train de se transformer en une incitation au repli.
Je suis terrifiée de constater qu’au nom de la santé mentale, on pousse insidieusement les citoyen·nes à se désinvestir de la vie démocratique, sociale et politique. Les gens ne votent plus, ne manifestent plus (parce que les CRS et les gaz lacrymo) et bientôt, ne s’informeront plus ?
On ne peut pas imaginer plus contre-productif. Parce que, soyons clairs, nos souffrances, nos "troubles" ne naissent pas dans le vide. Ils sont profondément liés aux systèmes dans lesquels nous évoluons : des systèmes capitalistes et patriarcaux qui valorisent la productivité à tout prix, nous poussent à masquer nos failles avec des médicaments, à taire nos émotions et à fonctionner comme des machines.
Alors oui, protéger notre santé mentale est essentiel. Mais cela passe aussi par le fait de comprendre que notre bien-être individuel dépend du collectif. Ce n’est pas la petite phrase d’un député fasciste sur France Inter qui nous détruit, mais un système entier.
Ça tombe bien on parle de ce système avec Baptiste Beaulieu, mon invité dans l’épisode de Folie Douce qui vient juste de tomber dans vos applications de podcasts (et que vous pouvez écouter en cliquant soit ci-dessus soit ci-dessous). Médecin généraliste et écrivain, Baptiste partage avec une sincérité bouleversante son vécu face à l’homophobie et aux violences sexuelles.
Son dernier livre autobiographique “Tous les silences ne font pas le même bruit”, met en lumière combien le patriarcat ne blesse pas seulement les femmes, mais aussi toutes celles et ceux qui ne se conforment pas aux normes de genre, y compris des enfants.
En tant que soignant, il nous parle aussi de la dureté des conditions de travail dans le système de santé, de la souffrance des patient·es qu’il met en lumière depuis des années sur les réseaux sociaux, et d’un sujet essentiel : comment prendre soin de soi, quand notre métier est de prendre soin des autres ?
En 2025, le gouvernement a annoncé que la santé mentale serait “grande cause”. Je vous en parlais déjà il y a quelques semaines. Gardons-les à l’œil (vous pouvez rejoindre un grand mouvement citoyen qui s’est donné cet objectif) et formulons un voeu : si on repensait en profondeur le système de santé publique, en ayant à cœur le bien-être des patient·es comme des soignant·es ?
Ah et comme toujours : n’oubliez pas de scroller tout en bas pour aller consulter notre formidable revue de presse sur la santé mentale !
Prenez soin de vous et surtout, prenez votre temps.
Lauren
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Baptiste Beaulieu/ Credit photo : Lucile Boiron
Description de l’épisode :
Médecin généraliste et écrivain, Baptiste Beaulieu est connu sur les réseaux sociaux pour son engagement et ses anecdotes sur son quotidien et l’univers hospitalier.
Au micro de Lauren Bastide il évoque la souffrance des soignants, la parentalité et son dernier roman Tous les silences ne font pas le même bruit dans lequel il analyse l’impact de l’homophobie sur sa vie. Il y fait le lien avec les violences sexuelles vécues lorsqu’il avait dix ans et le fait que les personnes LGBTQIA+ aient huit fois plus de risques de subir des agressions sexuelles dans l’enfance.
Lui dont la parole est souvent tournée vers les autres et le politique, évoque ses troubles alimentaires, « des kilos de soins » qu’il dit devoir à un système de santé détruit par les politiques publiques. Cette dégradation du service de santé en France dont témoigne Baptiste Beaulieu met la santé mentale des soignants à rude épreuve. Les sous-effectifs, l’allongement des délais de prise en charge, font retomber sur eux la culpabilité de ne pouvoir apporter autant de soin que nécessaire aux patients et les mènent à une perte de sens de leur métier.
Si être soignant« lui a fait le cuir » et l’a peu à peu coupé de ses émotions, c’est voir son enfant grandir qui lui rappelle le mieux à quel point cela vaut la peine d’être humain et lui a permis de retrouver accès à ses larmes.
Cet épisode de Folie Douce évoque le viol, la psychiatrie, l'homophobie et la pédocriminalité.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
Quelques mots sur notre partenaire
Organon dédie son travail à la santé des femmes et soutient Wounded Women, qui accompagne les personnes ayant vécu une césarienne.
Souvent considéré comme un simple accouchement, la césarienne est un acte chirurgical qui ne bénéficie que rarement du suivi physique et psychologique suffisant. J’en sais quelque chose, pour l’avoir vécu.
Wounded Women a lancé, avec une équipe de recherche en sciences sociales, la première étude sur les impacts socio-économiques et médicaux de la césarienne. L’objectif : appuyer l’amélioration du parcours de soin avec une série de recommandations qui sera bientôt publiée.
Alors merci à Wounded Women pour ce travail et à Organon d’être partenaire de Folie Douce cette semaine.
La revue de presse de Folie Douce :
Dans ce podcast d’Arte radio, Violette Gitton, internée en psychiatrie à sa demande suite à une dégradation de sa santé mentale pendant le confinement, utilise son TOC d’enregistrer tout avec son smartphone pour donner la parole aux autres patient·es de la clinique. En immersion au coeur de leur échanges et de leur vie quotidienne, ce podcast documentaire renverse les clichés associés à la santé mentale.
Le journaliste Suisse Adrien Zerbini nous permet, dans cet épisode de Dingue, de mieux comprendre le trouble de la personnalité borderline, malheureusement l’un des plus stigmatisés en psychiatrie, grâce au témoignage de Francesca et aux explications de Nader Perroud, psychiatre spécialiste des troubles borderlines.
En questionnant ce que c’est qu’être handicapé·e et ce qui fabrique socialement le handicap, ces épisodes de LSD, par Clémence Allezard, donnent la parole à des personnes « que la politique empêche » par validisme de se déplacer, d’étudier, de relationner, et d’avoir une place dans la société.
Cet article de Lénaïg Bredoux pour Médiapart qui éclaire sur les raisons du départ de Flore Benguigui du groupe L’impératrice. Avec courage elle raconte le sexisme qu’elle a subi au sein du milieu de l’industrie musicale.
Pour sa série d’articles « Au p’tit bonheur » parus dans Le Monde, Stefania Rousselle nous fait entrer par la simple question « Comment allez-vous ? » dans la réalité d’un·e inconnu·e quelque part en France et c’est passionant. Ici, Matahiarii Teinauri, 40 ans, étancheur à Eyrein en Corrèze.
Des psychiatres et chercheur·euses spécialistes de l’enfance appellent, dans cette tribune de Libération, à investir dans le bien-être mental des victimes d’inceste et d’autres violences sexuelles, dont les troubles sont trop souvent minimisés et non pris en compte par la société et le politique.
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.
Super épisode. Tellement important d'entendre ce genre de témoignage sur le monde du care, sur l'homosexualité, la parentalité. Merci à toi Lauren.
Excellent épisode, comme d’habitude! Tout en douceur 🤍 Merci Lauren.