Protéger les enfants, avec Mai Lan Chapiron
Où je partage avec vous l'épisode de podcast le plus bouleversant de ma carrière. Et où je rappelle que protéger les enfants, c'est aussi lutter contre la transphobie.
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Je viens de regagner Paris après plusieurs jours enfermée au vert à réviser pour mes partiels qui arrivent à grands pas. J’ai aussi mon livre à corriger et mon TDAH est en folie ces derniers temps (j’ai laissé mon téléphone pendant 20 minutes sur un Velib tout à l’heure, miracle, il m’attendait sagement), mais je vous parlerai de tout ça dans la prochaine newsletter.
Ce matin, je veux simplement vous dire que vous avez une chance inouïe d’avoir accès à la parole que je viens de déposer dans vos applications de podcasts ce matin. La parole limpide de Mai Lan Chapiron qui est en train de faire avec son association Mille Miettes, ce que la loi prévoit mais n’applique pas : informer les enfants pour les protéger contre les violences sexuelles et l’inceste.

C’est la première fois depuis que je fais des podcasts que je pleure au moment de l’enregistrement ET au moment du dérush (la réécoute qui précède le montage).
Ça n’était pas une petite montée d’émotion, mais de gros sanglots, de reconnaissance, de joie peut-être, face à la générosité dont Mai Lan fait preuve en partageant comment elle s’est saisie de l’inceste subi dans son enfance pour emmener avec elle toutes les générations de sa famille, mais aussi des milliers d’enfants.
Ecoutez-le au calme, quand vous vous sentez bien. Mais écoutez-le, s’il-vous-plaît. Il faut que tout le monde écoute Mai Lan.
Il faut protéger les enfants.
La semaine dernière, la Cour Suprême britannique a pris une décision qui met en danger des millions d’enfants : en excluant les femmes trans de la définition du mot “femme” dans la loi, la cour envoie le message à tous les enfants qui se sentent à côté de leur genre d’assignation, qui se projettent dans un avenir de fluidité queer. Elle leur a dit : non. La loi n’est pas de votre côté. Elle leur a dit : non. Ce qui est compte c’est la forme de vos organes génitaux. Vous serez toujours ce que la médecine et l’état civil ont décidé pour vous à votre naissance.
J’ai le cœur qui saigne avec le cœur de tous ces enfants. Y compris de ceux qui sont devenus adultes entre temps.
La juridiction intervenait dans le cadre d’un conflit entre le gouvernement écossais et une association de TERFS - ces “féministes” transphobes qui agissent sous la houlette de plusieurs personnalités médiatiques, comme l’autrice JK Rowling qui est à mes yeux devenue la personne la plus méchante du monde.
De tels reculs se produisent ailleurs dans le monde. Aux Etats-Unis, des pesonnes trans ont vu leur genre modifié de force sur leurs passeports. En France, le gouvernement tend l’oreille à des pseudos-militantes convaincues qu’il faut être pourvue d’un vagin pour porter un discours féministe. Cela me sidère et m’inquiète.
Comment peut-on être plus éloigné des luttes féministes qu’en portant un projet aussi contraire à la liberté, à l’émancipation ? Comment ne pas voir que ces discours disent l’inverse de ce que dit Beauvoir depuis 1949 : on ne naît pas femme, on le devient. Le genre est culturel, social, pas biologique, pas inscrit dans nos corps. C’est juste LA BASE for god’s sake.
Il va falloir rester vigilant·es et mobilisé·es. Et rappeler à la communauté trans, qui a toujours été la cible choisie du fascisme, que nous serons toujours à ses côtés. Une bonne façon de le faire c’est par exemple de soutenir l’association Acceptess-T.
Allez, je retourne chercher mes clés (dans le frigo).
Prenez soin de vous et prenez votre temps,
Lauren
PS : Pendant que je vous ai, mon âme-soeur Fleur Godart est en train de boucler un crowdfunding pour financer une épicerie-comptoir dédiée aux paysanneries - en gros à la bonne bouffe et au bon vin - à Saint-Ouen. Si vous la suivez sur les réseaux sociaux, vous savez que cette dernière année n’a pas été tendre avec elle, qu’elle a tenu à bout de bras la ferme de son père - volailler dans le Sud-Ouest. Fine Fleur, c’est son rebond, son soin, mais c’est aussi un lieu qui fera du bien à celles et ceux qui s’y sustenteront, et à celles et ceux qui le fourniront. Si vous avez ne serait-ce que 5€ à mettre pour l’aider à sortir de terre ce projet : Cliquez sur l’image ci-dessous (en plus y’a des céramiques de Judith Lasry en contrepartie).
Crédit photo © Marilou Chabert
Description de l’épisode :
TW : inceste
Voici un épisode très spécial de Folie Douce, intense et doux, qui peut-être vous bouleversera, car il aborde un sujet qui touche énormément de personnes (au moins 1 Français·e sur 10), mais dont il est encore si difficile de parler, l’inceste.
Mai Lan Chapiron est chanteuse et autrice ; elle vient de sortir son troisième livre jeunesse, Interdit de me faire mal !. Elle travaille autour de ce tabou avec une association, Mille miettes, des interventions dans les écoles, et un projet, Le Loup : un livre, une chanson et une vidéo, à destination des enfants, pour leur expliquer tout ce qu’ils doivent savoir sur les violences sexuelles. C’est sa particularité : Mai Lan Chapiron parle directement aux enfants. Elle explique au micro de Lauren Bastide que donner des règles de sécurité à des enfants, ça ne leur fait pas peur, ça les sécurise. Ayant été elle-même victime, elle est restée “connectée à son ressenti d’enfant” et donc sait leur parler de ce que ressent un enfant agressé, et de ce “secret-poison”. Elle évoque dans cet épisode la peur de faire exploser la famille, mais aussi la colère qu’elle ressent, même si selon elle, “il n’y a rien qui peut bien se passer avec la violence”. Consciente de porter un trauma, elle ne savait pas qu’il était aussi lourd : elle gérait, comme elle dit. Aujourd’hui c’est avec beaucoup de force qu’elle évoque son travail, et son apprentissage à parler, elle qui s’est tellement tu, pour aider les autres.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
La revue de presse de Folie Douce :
Dans cette série en 5 épisodes « Le journal de ma vie » du podcast Les Pieds sur terre, Adila Bennedjaï-Zou donne la parole à des autrices et des auteurs de journaux intimes qui nous entraînent dans leurs passés et dans leurs univers secrets.
Cet article de France Info « Santé : l'AP-HP lance une étude participative pour "mieux comprendre la vie avec dépression"» : intitulée GENDEP cette étude initiée par l'AP-HP (l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) collabore avec l’université Paris Cité et invite les personnes ayant vécu une dépression au cours de leur vie, à participer en se rendant sur le site de l'AP-HP "ComPaRe".
Cet article du Nouvel Obs (réservé aux abonné·es), « Vivre dans sa folie ou pourquoi des femmes votent Trump », dans lequel la psychologue, philosophe et théoricienne du « care » Carol Gilligan fait une analogie avec le cas de l’écrivaine Alice Munro, qui a vécu dissociée auprès d’un mari ayant violé sa fille. (C’est l’occasion de re.écouter l’épisode de Folie Douce avec Carol Gilligan « Au-delà du genre, une voix humaine » !).
Cet article du Monde (réservé aux abonné·es),« Le difficile « coming out psy » des personnes atteintes de troubles bipolaires » dans lequel Anne-Aël Durand explore les répercussions que pose la révélation d’une maladie mentale, notamment dans l’univers professionnel.
Cet article de Télérama (réservé aux abonné·es), “Anatomie d’une prédation” : un livre-enquête glaçant sur le psy star Gérard Miller par François Rousseaux. Les journalistes Alice Augustin et Cécile Ollivier publient dans un livre-enquête leur investigation sur Gérard Miller, l'ex-psy star de la télé visé depuis 2024 par une enquête préliminaire du parquet de Paris pour viols et agressions sexuelles.
Cet article de Médiapart (réservé aux abonné·es) « Dans les hôpitaux, on entend que les Noirs résisteraient mieux à la douleur », par Caroline Coq-Chodorge qui reçoit Miguel Shema, étudiant en médecine pour la sortie de son livre La santé est politique. La médecine soigne-t-elle vraiment tout le monde ? dans lequel il met en lumière les biais et préjugés portés par certains soignants, qui engendrent des discriminations dans le milieu médical et dans l’accès aux soins.
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.
Incroyable, je viens d'écouter hier son intervention dans le podcast "C'est quoi l'amour maîtresse" (oui je suis en retard!). Merci aussi de parler de la décision du Royaume Uni, je suis complètement dévastée depuis la semaine dernière en pensant à tous ses enfants et ses adultes qui seront affectés. Quelle violence.
Merci Lauren pour cet article. Petite clarification en tant que britannique (et écossaise!) - même si c’est un litige qui opposait le gouvernement écossais, c’est la cour suprême britannique qui a tranché. Ainsi, cette décision sera lourde de conséquences en Angleterre, Écosse, Pays de Galles et Irlande du Nord, et de nombreux acteurs (notamment le monde associatifs) ne savent encore comment leurs modes de fonctionnement seront impactés. Bonne journée!