Écrire au tu, trembler au je
Où, comme beaucoup d'autrices, j'ai peur de blesser mes proches avec mes livres. Et où je vous donne mes cinq albums de musique de chevet.
💌 Bonjour les douceurs. Ces prochaines semaines, dans la newsletter payante, je tiens le journal de pré-sortie de mon prochain livre, Enfin Seule, qui sera en librairie en septembre. L’occasion de parler d’écriture, de féminisme et de (ma) santé mentale. Je reprends le format du premier volet : Après ma lettre, vous pouvez écouter en audio un extrait inédit du livre + je partage avec vous ce que j’ai lu ou écouté cette semaine. Si vous voulez accéder à ces contenu et soutenir mon travail, cliquez ci-dessous. Et quoiqu’il en soit, merci d’être ici.
SOMMAIRE
Écrire au tu, trembler au je
Un extrait de Enfin Seule en exclu (et en audio)
5 albums de musique que j’écoute en entier (pour oublier l’actu)
Un point agenda + liens vers le dernier épisode de La Poudrière
Je suis en pleins partiels. Pour l’instant ça se passe bien. J’encaisse mieux psychologiquement que lors de la première session, au mois de janvier. Déjà parce que je sais à quoi m’attendre (le plus dur, ce sont les transports, les horaires ineptes, le brouhaha dans les amphis, les déjeuners à l’arrache, l’aspect logistique, plus lourd à quarante-quatre ans et deux enfants qu’à 22 ans et toutes ses dents). Mais aussi parce que mon psy m’a dit un truc, la semaine dernière, qui m’a fait pleurer : “Vous n’êtes pas obligée d’être excellente, Lauren”. Je me suis prise ma petite claque et je me suis lâchée la bride. J’ai tout fiché bien sûr. Mais j’ai décidé que mes 8 heures de sommeil et le matage d’Astérix sur Netflix (drôle !) avec mon enfant étaient plus importants que ma note en sémio.
Je pensais que je n’aurais pas le temps d’écrire cette lettre, et puis en fait si. Parce que ça aussi, c’est plus important que mes notes. Ce nouveau lien qui me pousse, chaque semaine, à faire ce que je préfère : écrire, pour vous.
Je suis aussi en pleine correction de mon manuscrit. Techniquement, sur mon bureau, j’ai un document Word de 338 pages intitulé “Enfin Seule correction GA”, qui contient des annotations faites par mon éditeur et 117 commentaires ajoutés par la correctrice (non, ces commentaires n’incluent pas les 8765 coquilles qui ont été corrigées entre temps). Pour être honnête, je ne l’ai que survolé pour l’instant. Je me suis bloquée cinq jours la semaine prochaine pour faire ça d’une traite, quand je serai enfin seule chez moi. Je n’arrive pas à glisser mon travail sur le livre - contrairement, par exemple, aux textes que j’écris ici - entre deux tâches quotidiennes, entre deux cours ou deux podcasts.
Il faut que j’y sois en immersion pour m’imbiber de sa vibration et retrouver l’état d’esprit dans lequel j’étais en l’écrivant.
Un livre, surtout sous la forme d’essai auto-fictionnel (en VO : personal essay) c’est une capsule temporelle. C’est enfermer entre les pages une émotion, une idée, qui correspond à l’état d’esprit d’un instant. C’est une simple pensée qui passe, mais qu’on décide d’amplifier, d’étirer, de presser de son jus jusqu’à la dernière goutte. Deux ans plus tard, on se retrouve avec un fichier Word commenté sur son bureau. Des essais de couverture. Et la vague impression qu’on s’apprête à hurler aux oreilles du monde ce qui n’était, à la base, qu’une sensation de bien-être ressenti un soir dans sa salle de bain, en se brossant les dents.
J’ai changé, depuis le soir de la brosse à dents. J’ai grandi, d’ailleurs, au fil de l’écriture de ce livre. La personne qui s’enflamme dans les premières pages du texte n’est pas la même que celle qui se confie dans le dernier chapitre, où je parle plus frontalement de (ma) santé mentale et de psychologie.
Je suis impatiente d’en discuter avec vous. Mais il y a encore des étapes, pour en arriver là. Plusieurs épreuves. Notamment la plus brûlante : m’assurer que mes proches ne soient pas heurtés par les choses intimes que j’écris dans ce texte. À chaque livre, je ressens cette crainte. Je sais que tel passage pourrait faire du mal à l’une, que telle page pourrait attrister l’autre. Toujours je leur propose d’éditer, de couper.
Dans mes précédents essais, j’avais glissé l’intime avec moins de franchise que je ne le fais dans celui-ci. Dans Présentes, sorti en 2020, la vérité sur moi-même (en l’occurrence la mort brutale de ma sœur et l’onde qu’elle a créé dans ma vie) n’apparaissait qu’en conclusion, après 245 pages dans lesquelles je donnais la parole à d’autres femmes. Dans Futur·es, sorti en 2022, j’ai distillé l’intime de-ci de-là, parfois avec de gros sabots - je me souviens suffoquer en écrivant le chapitre sur les violences sexuelles.
Cette fois, c’est plus assumé. Chaque chapitre s’ouvre par un texte auto-fictionnel. Je mêle ma voix autobiographique à ma voix journalistique sans me cacher. Enfin. Sans me cacher. J’ai quand même décidé d’écrire ces passages au ‘tu’. D’ailleurs, quand je parle de ces passages, à mon éditeur, à mes proches, je les appelle “les passages au tu”.
C’est drôle, quand même. Comme si le “je” ne m’était pas encore tout à fait accessible.
Il y a quelques jours, j’ai lu un “passage au tu'“ à une personne proche, que j’aime et que j’ai peur de blesser.
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