Dénoncer les violences, envers et contre tout, avec Flore Benguigui
Où je frémis de colère avec Adèle Haenel face à son prédateur à la barre du procès, et où je vous présente un épisode de Folie Douce avec une autre grande voix féministe, la chanteuse Flore Benguigui
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Elle a dit : Mais ferme ta gueule !
Au procès du réalisateur Christophe Ruggia pour «agressions sexuelles sur mineure», qui se déroulait en début de semaine au Tribunal de Justice de Paris, Adèle Haenel a quitté la salle en colère face au récit du réalisateur qui rappelait combien il l’avait “protégée”, lorsqu’à 12 ans, elle fut propulsée actrice de cinéma.
Le réalisateur a dit, dans la salle de tribunal, que c’était lui qui avait trouvé son pseudonyme. Il a voulu prétendre qu’il l’avait tellement faite qu’il l’avait nommée.
Comment ne pas comprendre qu’en disant ces mots, il la nie dans sa propre existence, il la violente encore ? Comment ne pas frémir avec elle quand on la suit depuis cet entretien à Mediapart qui avait donné une dimension nouvelle au mouvement Metoo en France ? Comment ne pas hurler face à la répétition, à la barre, du mécanisme d’emprise qu’elle dénonce depuis des années ?
Comment ne pas « péter un cable », réagir de façon « émotive », « excessive », « hystérique » ou comme une « féministe radicale » ?
Adèle Haenel ne fait que se défendre. Et elle se défend avec une force et un courage inouïs, car cette force et ce courage, on les sape, dès le plus jeune âge, chez les enfants, et particulièrement chez les filles - ferme ta bouche. Ne donne pas ton avis. Puis : croise tes jambes et souris.
Merci Adèle Haenel d’être là.
Merci, aussi, pour les mêmes raisons, Flore Benguigui.
Chanteuse pendant 9 ans du groupe L’Impératrice, également autrice et compositrice, figure du mouvement MusicToo, l’artiste a eu la force, récemment, également sur Mediapart (au micro de la fantastique Lénaïg Bredoux, l’une des dernières femmes que j’aie reçues dans La Poudre) de dire les violences psychiques et l’épuisement professionnel qu’elle a subi au sein de sa formation musicale.
Et ici encore : l’emprise.
Comme celui d’Adèle Haenel, son témoignage a déclenché des milliers de “moi aussi”. Elle me confie dans l’épisode avoir reçu depuis sa prise de parole de nombreux messages de femmes vivant des violences similaires, dans d’autres milieux, sans avoir su jusqu’ici les nommer.
Elle dit aussi, Flore, que souvent, dans le monde de la musique, qui est un monde d’hommes, les femmes, si elles se plaignent, sont traitées de capricieuses, de compliquées, de fragiles. Ah et d’ailleurs les membres du groupe nient en bloc son témoignage, tout comme ils ont rejeté, pendant des années, les propositions faites par Flore pour tenir compte des violences sexistes et sexuelles dans leurs concerts.
Ben oui, faudrait pas se laisser brainwasher par des féministes radicalisées.
Écoutez bien Flore, écoutez bien Adèle, et continuez de porter leur voix en écho, comme j’essaye de le faire avec cet épisode. Écoutez et faites tourner. C’est vraiment loin d’être gagné.
Allez, à la semaine prochaine, pour le dernier volet de ma série genre et TDAH que je galère vraiment à écrire tant c’est intime (et merci d’être déjà des centaines à me soutenir dans mon travail avec un abonnement premium, vous ne pouvez pas savoir combien ça m’adoucit la vie.)
Prenez soin de vous, et prenez votre temps,
Lauren
PS : n’oubliez pas de scroller tout en bas pour aller consulter notre formidable revue de presse sur la santé mentale !
Flore Benguigui / Credit photo : Aurélie Lamarchère
Description de l’épisode :
Après avoir été pendant 9 ans la chanteuse, et compositrice de ses lignes vocales, de L’impératrice, Flore Benguigui a décidé de quitter le groupe. Suite à l’annonce en septembre dernier de son départ, elle vient de révéler les dessous de son choix, mettant en lumière les rapports de pouvoir patriarcaux qui gangrènent le milieu de la musique.
Au micro de Lauren Bastide, elle évoque les mécanismes du quotidien qui ont sapé sa confiance en elle, nourri son syndrome de l’imposteur, et l’ont poussée à l’épuisement professionnel. Jusqu’à en perdre sa voix, son instrument - le signal qui, grâce à sa psy, lui a donné la force de mettre fin à ces violences, et de prendre la parole au nom de toutes les femmes. Elle l’avait déjà fait au sein du mouvement #musictoo en 2020, notamment via ses prises de position et son podcast et collectif, Cherchez la femme. Elle développe un parcours solo désormais, et rappelle l’importance de la sororité, qui lui a permis de se sortir d’une situation de souffrance assourdissante.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
La revue de presse de Folie Douce :
Ce podcast de la RTBF qui met en lumière le piège du développement personnel, un business qui peut conduire à des dérives et un système d’emprise. À travers six épisodes qui retracent les étapes d’endoctrinement, Manon Mottard, anthropologue et réalisatrice de documentaires, enquête pour décortiquer ce phénomène.
Le nouveau podcast de Shirley Souagnon, « Souagnon-nous », qui invite les auditeur·ices à laisser des messages vocaux en réponse à ses questions posées sur instagram. Dans chaque épisode elle réagit à la diffusion des extraits et partage ses réflexions. C’est spontané, drôle, parfois politique, parfois musical et très touchant.
Ce podcast France Inter, où Giulia Foïs nous fait entrer par des notes vocales « Dans la tête de » Max, Abigail, Agathe, Stanislas et Ali. Iels racontent leur quotidien et nous font ressentir, voir et entendre leur vie avec un trouble psychique. Ici on suit Ali dans son quotidien avec son système d’alters et ça remue très fort.
Cet article du Monde qui met en avant une étude publiée ce mardi 10 décembre selon laquelle 8,3 % des enfants entre 3 et 6 ans ont « au moins une difficulté de santé mentale probable », soit 1 enfant sur 12 scolarisés en maternelle en France métropolitaine. Il s’agit de la première enquête nationale sur la santé mentale qui s’intéresse aux enfants de cet âge, leur santé mentale ayant longtemps été laissée de côté au profit de leur santé physique.
Dans cet article et l’émission À l’air libre de Médiapart, Sara Forestier revient sur son témoignage devant la Commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Elle y dénonce les rapports de pouvoir dans cette industrie qui autorise les violences, l’objectification et la sexualisation des femmes, en n’en punissant pas les dérives.
Cet article (réservé aux abonné·es) de Courrier International révèle la très inquiétante hospitalisation forcée d’Ahou Daryaei, après qu’elle s’est dévêtue en signe de protestation pour avoir été harcelée et battue suite à son refus de porter le voile à l’Université. Elle est qualifiée de « malade mentale », par les médias proches du pouvoir. La psychiatrisation de la colère politique reste un ressort classique du patriarcat pour faire perdurer sa domination.
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.