Comprendre la violence pour la combattre, avec Édouard Louis
Où je partage un épisode de Folie Douce qui parle de colère, de fuite, de sociologie, de psychologie et vous donnera du grain à moudre pour des mois. Et où je me plains, aussi, un peu.
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Nous sommes mercredi matin, je suis enrhumée et je dois écrire mon livre.
J’avais dégagé cette semaine de longue date. Poussé toutes mes obligations. Lutté contre ma tendance à vouloir être la meilleure à la fac et donc renoncé à aller en cours cette semaine. Dégagé de mon esprit toutes les ruminations liées à ma vie sentimentale. J’avais décidé d’écrire six heures par jour, d’avancer coûte que coûte dans cet ouvrage qui parle de solitude et que je ne peux écrire que dans la plus profonde des solitudes.
Et à la minute où j’ai fermé la porte de ma maison derrière moi, allumé un feu de bois, préparé un thé, ouvert mon ordinateur et repris mon manuscrit, j’ai senti ma gorge s’enflammer, mon nez se boucher et mon front se plisser sous un début de migraine.
Bref, hier, au lieu d’écrire, j’ai passé la journée à me morfondre au fond mon lit.
(En vrai j’ai commencé le livre de Camille Laurens La Promesse, qui est hyper bien.)
Ce matin je me sens mieux.
Au moins, ça y est, je suis assise devant mon ordi à la table de ma cuisine. Je fais des recherches. J’essaye de comprendre ce que racontent Mélanie Klein et Winnicott au sujet de la solitude. Mais à chaque fois que je lis un paragraphe, je suis interrompue par des exigences administratives ou comptables qui me font limite péter des câbles. Respire Lauren. Il faut que j’aille faire un peu de yoga. Je ne suis pas douchée et je n’ai pas encore promené le chien qui commence à tourner entre mes jambes pour se rappeler à mon bon souvenir. Il est bientôt midi, j’ai faim.
SOS.
C’est dur d’écrire. C’est une souffrance. C’est ce que dit Edouard Louis dans cet épisode. Quand il écrit, des larmes coulent qui n’auraient pas coulé s’il n’avait pas écrit. Moi aussi, quand j’écris, des larmes coulent qui n’auraient pas coulé si.
C’est peut-être pour cela que j’ai tant de mal à m’y atteler.

Mais quand j’aurai fini cette lettre et que je l’aurai programmée, alors je pourrai fermer toutes les fenêtres - celle de mon ordinateur, pas de ma maison - ouvrir mon traitement de texte et écrire sur l’incapacité d’être seul et sur les larmes qui coulent quand j’écris, parce que j’écris pour toutes les femmes qui n’ont pas eu l’espace, le temps, la possibilité d’écrire, faute d’avoir la capacité d’être seules.
Je vous laisse avec cet épisode absolument génial de Folie Douce, et toute ma reconnaissance envers Edouard Louis, dont chaque mot a provoqué chez moi une épiphanie. Notamment cette idée de la fuite comme solution de sauvetage acceptable, là où la psychologie moderne lirait plutôt une réponse traumatique.
(Et si ma quête de solitude était une fuite ?) (Je fuis quoi exactement?)
Allez, j’y retourne. Je sais qu’en ce moment c’est dur pour beaucoup d’entre vous, il y a plein de raisons à cela. Mais on est ensemble, et on peut se parler dans le chat où je suis toujours fière et heureuse de vous lire.
Prenez soin de vous et prenez votre temps,
Lauren
PS : Allez bien scroller tout en bas pour lire notre revue de presse ! Et si vous voulez passer en payant et avoir accès à plein de trucs coolos :
Édouard Louis / Photo de Jean-François Robert
Description de l’épisode :
« Le devoir d’être convoqué par le monde », ainsi Édouard Louis décrit-il sa manière d’écrire. Lorsque son frère est décédé à 38 ans des suites d’alcoolisme, il s’est dit qu’il ne pouvait pas écrire sur autre chose, « convoqué par cette réalité de la mort », et a terminé son livre, L’effondrement, paru en octobre. Il y entrecroise les prismes sociologiques et psychologiques d’une manière inédite.
Au micro de Lauren Bastide, dans cet épisode de Folie Douce que - peut-être - vous attendiez, l’auteur qui se penche sur sa famille depuis de nombreuses années raconte qu’il se libère ainsi d’une forme de honte. Édouard Louis évoque aussi son livre précédent, Monique s’évade, sa mère et son enfance. Si « le pardon n’apaise pas les blessures », et qu’écrire c’est « creuser la douleur », Édouard Louis renie le rôle cathartique de l’écriture. Il raconte enfin le rôle de l’amitié dans sa vie, et le fait de re-parenter avec ses ami·es, en faisant de l’amitié un mode de vie.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
Quelques mots sur notre partenaire
Cette semaine, je voulais vous parler de notre partenaire, Chance.
En ce début d’année où, peut-être, vous vous posez des questions sur votre vie professionnelle, votre relation au travail, ça peut être un bon moment pour contacter la communauté Chance, communauté d’entraide professionnelle. Depuis qu’on en parle sur le podcast, on sait que vous êtes très nombreux-ses à l’avoir fait et que ça vous a fait du bien.
Comment ça marche ? C’est simple.
D’abord : vous faites un bilan de compétences, normal, avec un ou une coach choisi-e sur mesure pour vous aider à redéfinir votre projet pro.
Et le vrai plus, c’est qu’après toute la communauté Chance reste à vos côtés pour vous soutenir, vous conseiller et vous ouvrir son réseau. Et détail non négligeable qui devrait finir de vous convaincre : le bilan Chance est finançable avec votre CPF.
On serait vous, on irait faire tout de suite un tour sur le site de Chance, pour faire un premier point. Parce que se sentir bien au travail, c’est tellement important.
La revue de presse de Folie Douce :
Cet épisode de La Perche, le podcast de la géniale Maison Perchée, qui donne la parole aux partenaires de personnes vivant avec un trouble psy. Iels se confient sur les défis qu’iels ont rencontrés, ce que le trouble leur a appris, mais aussi sur l’importance de communiquer et de prendre soin de soi. Un épisode qui donne des outils, déconstruit les préjugés et fait avancer la réflexion sur l’amour et la santé mentale.
Dans cet épisode absolument passionnant, Sophie-Marie Larrouy laisse la parole à sa psychanalyste, Mélanie Gosse. Elle y raconte le parcours du combattant auquel les doctorant·es font face lorsqu’iels veulent écrire une thèse située qui porte sur des enjeux d’intersectionnalité, race, classe et genre. La sienne, qui porte sur ce que la psychanalyse peut apporter au social, travaille à déconstruire la famille en psychanalyse en changeant de grille de lecture, ici un grillage plutôt étouffant : le complexe d’Oedipe. Un épisode joyeux et révolté où l’on découvre que les sujets de thèse portant sur la classe, la race, le genre et la psychanalyse ne seront plus financés par le ministère de l’éducation à partir de septembre 2025.
Ce documentaire Arte, Du formol dans le coeur. La réalisatrice Inès Berdugo, à la fois héroïne et commentatrice, nous emmène à travers cinq épisodes intenses de 15 minutes dans une enquête en forme d’autofiction sur la mort, les rites religieux et les pratiques funéraires. Pour « faire le deuil » de son père, mort brutalement un été alors qu’elle avait 15 ans, elle part à la rencontre d’une thanatopractrice, visite un salon belge d’entreprises funéraires et se rend à une réunion d’orphelins.
(TW : plaies, mort) Maman déchire d’Émilie Brisavoine qui sortira le 26 février au cinéma. Depuis que son fils est né, Émilie Brisavoine n’arrête pas de faire des cauchemars sur sa mère. Dans ce documentaire, elle cherche à comprendre cette mère punk avec qui elle n’a pas grandit, qui est aujourd’hui une grand-mère géniale tout en restant une enfant brisée. À partir d’une matière très intime et hétéroclite - ses journaux intimes, les VHS de son grand-père paternel, des vidéos tournées à l’iPhone ou prises sur YouTube - elle crée un récit universel et cathartique qui réussit la prouesse de monter les flux de la psyché et la pensée.
Cet article de France Info sur le tabou de la consommation de drogue à l’Assemblée Nationale. Il met en lumière le paradoxe du fait que la lutte contre le narcotrafic soit érigée en priorité nationale par le gouvernement, alors que certains députés et collaborateurs consomment des produits stupéfiants, drogue et alcool, notamment pour faire face à la charge de travail et à la pression mais aussi dans des cadres festifs.
Cet article de L’Informé qui enquête les agissements du dirigeant de Binge audio, Joël Ronez accusé de mensonges, manipulations et menaces. Au moment de son placement en redressement judiciaire à l’été 2024, le studio de podcast cumulait plus de 1,9 million d’euros de dettes, dont de nombreux impayés aux prestataires et auteur·ices.
Cette interview vidéo pour Le Monde dans laquelle Raphaël Poulain, ancien rugbyman du Stade français au début des années 2000, témoigne du manque de prise en charge psychologique dans ce sport où la culture viriliste est très marquée. Il évoque notamment le rythme excessif de matchs et d’entraînements qui provoquent des blessures à répétitions, et une fin de carrière prématurée qui l’a entraîné dans la dépression.
Un entretien avec la psychologue autrice du compte instagram @lapsyrevoltee pour la newsletter Substack « Cabrioles · Carnet de recherche pour l'Autodéfense Sanitaire ». Elle revient sur les conséquences de la pandémie sur ses patient·es et sa propre santé physique et mentale, mène une une réflexion sur l’impact qu’a eu la gestion très lacunaire du Covid par le gouvernement et témoigne de son expérience du Covid long qui impacte sa vie (socialement et physiquement) encore aujourd’hui.
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.
Incroyable d’écouter Édouard Louis à ton micro, ses livres sont des trésors et votre échange est juste passionnant, merci 🙌🏻
Cet épisode est une 💣