Ce qu'on a fait de la "folie" des femmes, avec Adèle Yon et Laurie Laufer
Où je me dis que tout va bien et partage avec vous un épisode de Folie Douce qui contient exactement ce que je voulais entendre dans Folie Douce.
Pas le temps de lire ? Allons droit au but :
Bonjour les Douceurs,
Il déjà presque minuit. Il reste sur la nappe quelques traces du dîner que j’ai partagé avec des amiX précieuseX ce soir, j’avais fait un aïoli. Cela a été une entreprise plus délicate que prévue. J’ai complètement foiré un premier bol, puis je suis allée à la boulangerie en bas demander à ce qu’on me prête un batteur électrique. La deuxième tentative fut la bonne. Un délice.
Le vent est frais mais suffisamment doux pour que la fenêtre reste ouverte. Robin dort dans son panier. J’ai la tête pleine des rires et des confidences de la soirée.
J’ai scrollé mollement les actus avant de me connecter ici.
Un facho condamné par la justice. La mobilisation de l’opposition qui prend forme aux États-Unis. Des textes et des tribunes qui parlent de justice. Des manifestations qui se montent pour bientôt.
C’est peut-être les deux verres de cidre que je me suis autorisée ce soir, mais j’ai la certitude que tout va s’arranger. Qu’on est plus nombreusex qu’on pense à être attachés à cette histoire de démocratie, et qu’à la fin, on gagne. C’est obligé.
J’improvise totalement cette newsletter que j’ai failli oublier de vous écrire.
Ce qui n’est en revanche pas du tout improvisé, c’est cet épisode de Folie Douce qui est tombé dans vos applications de podcasts ce matin. Je crois bien que je me prépare pour cette discussion depuis plusieurs années.
Mes invitées sont la psychanalyse féministe (oui, ça existe, promis) Laurie Laufer et l’écrivaine Adèle Yon, jeune prodige de la dernière rentrée littéraire qui nous a subjuguées avec son premier roman, Mon vrai nom est Elisabeth, une enquête sur les traces de son arrière grand-mère, enfermée contre son gré en institution psychiatrique.

Notre échange a eu lieu en public, à Strasbourg, dans un lieu de culte protestant, et se parler sous ces hautes nefs, sous ces vitraux, dans cette acoustique si particulière, donnait à notre échange une dimension mystique que je pense vous entendrez dans l’épisode.
Nous avons parlé de fantômes. De ces femmes du passé qui reviennent nous hanter, et à qui nous devons la mémoire, l’archive, l’écoute.
Dans son dernier esssai, Les héroïnes de la modernité, Laurie Laufer elle aussi tend l’oreille à ces fantômes, Madeleine Pelletier, Monique Wittig, Virginia Woolf et d’autres dont on a pathologisé la pensée, et dont la volonté de se libérer des chaînes patriarcales a été synonyme d’une assignation à la “folie”.
Je crois que si j’ai créé La Poudre, il y a quelques années, puis Folie Douce, c’était pour invoquer ces femmes fantômes qui hantent nos familles mais aussi les siècles de luttes féministe. Dans cet échange, il y a les prémices d’une réflexion que j’ai envie de pousser plus loin encore, et qui devrait m’occuper pour les années à venir.
Je viens de terminer mon livre sur la solitude (mon éditeur devrait me faire son retour d’un instant à l’autre🧘), et je sens germer en moi, comme sur les rameau de hêtre que mon amie Fleur m’a ramené ce soir de la forêt, de nouvelles pistes et de nouveaux projets, que j’ai hâte de voir s’épanouir, avec vous à mes côtés.
Merci pour votre soutien, encore une fois. N’hésitez pas, si vous voulez vous impliquer un peu plus dans la communauté des Douceurs, à souscrire à un abonnement payant, je vous réserve des surprises.
J’ai les pensées qui se bousculent. Je voudrais vous glisser quelques mots sur l’épisode de Folie Douce que j’ai enregistré aujourd’hui et qui m’a bouleversée. Je voudrais vous parler des livres que je suis en train de lire. D’un podcast incroyable que je suis en train d’écouter. De mes réflexions au sujet de l’IA. Mais je vais lutter contre ma loggorhée d’hyperactive et ordonner à mon cerveau de se mettre en veille, il l’a mérité.
Et vous aussi. Alors, prenez soin de vous et prenez votre temps (et n’oubliez pas d’aller lire la revue de presse tout en bas de ce mail !)
Lauren
Avant de vous quitter une date à noter :
📅 Le 24 avril j’aurai l’honneur de participer à la soirée des quatre ans du média pionnier sur les questions de santé mentale Musae !
Description de l’épisode :
Dans cet épisode de Folie Douce, on parle de ce que la psychiatrie et la psychanalyse ont fait de la “folie” des femmes. Lauren Bastide reçoit, en public aux Bibliothèques idéales de Strasbourg, la star de la psychanalyse féministe Laurie Laufer, et Adèle Yon, autrice de Mon vrai nom est Elisabeth, le premier roman dont tout le monde parle en ce moment.
Dans son dernier livre, Les héroïnes de la modernité, Laurie Laufer explique comment psychiatrie et psychologie ont historiquement pathologisé la sexualité féminine, et par là les femmes elles-mêmes. Elle décrit des figures de mauvaises filles, dont aurait pu faire partie Elisabeth, l’arrière grand-mère d’Adèle Yon, qui fut lobotomisée et enfermée de longues années. Par son enquête, celle-ci retourne ce qui est au départ considéré comme un traumatisme transgénérationnel.
Ensemble, elles évoquent la nécessité de parler des femmes et leurs combats, mais aussi de rencontrer ses fantômes, et de “remplir leur transparence”. La peur d’être folles provient d’un dispositif social qui accule les femmes à des rôles qu’elles ne veulent pas occuper. Toutes deux fascinées par le “trop” reproché sans cesse aux femmes, elles parlent de la médicalisation des émotions dans nos sociétés, et de la difficulté de se soulever et mettre du désordre dans un contexte patriarcal.
Bonne écoute, et n’hésitez pas à mettre des étoiles et à me faire tous vos retours sur les réseaux sociaux !
La revue de presse de Folie Douce :
À venir, ce samedi à 16h: Dans le cadre de l’expo 100% à la Villette, Manifesto XXI organise une rencontre “Repenser le soin : du cadre validiste à la douceur radicale”, où Constant Spina (journaliste) recevra Myriam Bahaffou (chercheuse en philosophie, militante écoféministe) et Lydie Raër (conseillère municipale écologiste, militante handiféministe Les Dévalideuses) pour interroger la réalité des safe spaces en tant qu’écosystèmes de solidarité. Entrée libre !
Le lancement du site du Collectif “ Santé Mentale Grande cause nationale” co-conçu par Mūsae, qui propose un accompagnement et des conseils aux organisations souhaitant s'engager sur les enjeux liés à la santé mentale.
Une étude révèle les inégalités de genre dans l’univers du podcast, réalisée par le réseau Women & Podcasts et l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) : alors que les femmes sont omniprésentes dans la fabrication des podcasts, elles restent les grandes oubliées des sphères décisionnelles et techniques. Cette première étude met en lumière le constat marquant que les freins systémiques à l’égalité femmes-hommes persistent dans l’univers du podcast, plutôt perçu comme un nouveau territoire d’expression plus libre.
Dans cet épisode du podcast Emotions, Marie Misset donne la parole à des femmes qui ont réussi à sortir de l’emprise d’hommes violents avec les éclairages de Karen Sadlier, docteure en psychologie, ancienne secrétaire générale de la Société Européenne pour l’Étude du Stress et du Trauma et consultante pour l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis.
Dans cette série en 2 épisodes du podcast Sous contrôle coercitif, Isild Le Besco (actrice et scénariste) aux côtés de Léonor Graser (actrice) et Andreea Gruev-Vintila (psychologue sociale), retrace sa relation avec le réalisateur Benoît Jacquot alors qu’elle était mineure. Son témoignage illustre le phénomène de « contrôle coercitif », forme d'abus psychologique et émotionnel, où les hommes exercent un contrôle prolongé et oppressif sur les femmes.
Dans cette série en 4 épisodes du podcast Autismes, les combats d’une vie, Jérôme Sandlarz (documentariste et journaliste) raconte la réalité du quotidien de familles vivant avec l’autisme, et à leurs côtés, soignants, éducateurs et chercheurs.
Cet article du Figaro (réservé aux abonnés) qui nous parle des Newsletter, ces lettres d’information, moyen de résister face aux algorithmes des réseaux sociaux et aux fake news. Et on parle de La Douceur dedans !
Si vous voulez être au courant de toutes les actualités de Folie Douce, et voir des vidéos des coulisses des épisodes :
Folie Douce donne la parole à des artistes, des militant·es, penseur·euses pour explorer leur parcours de santé mentale à la lumière de leur travail artistique ou politique. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits à la première personne. Les propos de ses invité·es n’ont pas valeur d’expertise. Le terme « folie » est employé ici à des fins de renversement du stigmate et de réappropriation d’une identité habituellement imposée et marginalisée.
Si vous traversez un moment particulièrement difficile, vous pouvez appeler le 3114, des personnes formées vous écouteront et vous orienteront.
C'était un épisode absolument superbe. Un moment intense, avec des voix qu'on a trop peu l'occasion d'entendre. On m'offre le livre d'Adèle Yon très prochainement (les anniversaires ont leurs vertus, hihi), et j'ai hâte de m'y plonger. Merci de nous faire découvrir des trésors comme ceux-ci !
Quant à la conversation autour du diagnostic, j'ai trouvé que les deux invitées étaient passionnantes dans leurs directions respectives (et complémentaires, d'une certaine façon). Ça m'a questionnée dans mon rapport à ma propre thérapie. J'ai la chance d'être suivie par une psychiatre et une hypnothérapeute. Toutes deux sont une aide précieuse lorsque je me perds. Je suis, moi aussi, fille d'une mère sans aucun doute atteinte d'une psychose, et je m'interroge beaucoup sur la place que cela occupe dans ma vie. Donc merci d'ouvrir des voies pour poursuivre cette quête :)
Lauren... c'était tellement puissant et magnifique. Cette histoire de fantômes a allumé en moi une émotion de la même texture et intensité que quand j'ai plongé dans lecture du Sorcières de Mona Chollet... cette sensation d'être reconnectée à l'histoire des femmes par les tripes... et la colère d'Adèle, quelle merveille !!! Merci ❤️
Pour le coup, je m'apprête à saisir Une Chambre à Soi sur l'étagère de ma bibliothèque.
Love.